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February 18, 2022 | Trading insights
Marché du carbone : une croissance exponentielle à un niveau record

Anders Nordeng étudie les facteurs à l'origine de la croissance exponentielle des coûts du carbone, y compris les objectifs climatiques exposés lors de la COP26.
- Notre équipe chargée du carbone est à court de superlatifs pour décrire la flambée des coûts sur le marché du carbone en 2021 et cette année.
- L'année s'est clôturée avec des quotas d'émission européens s'élevant à plus de 80 €/t, soit plus du double de leur prix à la fin de l'année 2020. La flambée des prix, associée à une faible augmentation du volume, a entraîné un chiffre d'affaires record de 760 milliards d'euros.
- Les données de notre rapport suggèrent que la croissance des prix et du marché est en partie stimulée par les objectifs plus ambitieux fixés par les pays dans le cadre de l'Accord de Paris.
Nous avons eu, cette fois-ci, quelques difficultés à rédiger notre rapport annuel sur les marchés du carbone, mais pas pour les raisons auxquelles on pourrait penser, comme des tendances complexes à interpréter ou des données non concluantes.
Bien au contraire : le prix du carbone a tellement augmenté en 2021 (principalement en Europe, le plus grand système mondial d'échange de quotas d'émissions en valeur marchande, mais aussi sur tous les autres marchés du carbone) que nous avons manqué de superlatifs et de moyens d'exprimer l'ampleur relative de cette croissance.
L'année s'est clôturée avec des quotas d'émission européens s'élevant à plus de 80 €/t, soit plus du double de leur prix à la fin de l'année 2020.
Les quotas britanniques ont atteint un prix encore plus élevé, suite au lancement du nouveau système d'échange de quotas d'émission (SEQE) autonome post-Brexit du Royaume-Uni.
Sur les deux marchés nord-américains (WCI et RGGI), les prix des permis ont augmenté de 70 % au cours de l'année.
La flambée des prix, associée à une faible augmentation du volume, a entraîné un chiffre d'affaires record de 760 milliards d'euros. Cela représente une augmentation de 164 % par rapport au chiffre d'affaires de 289 milliards d'euros réalisé en 2020.
Le fait que cette année soit la cinquième année consécutive de croissance n'a pas aidé.
Le rapport annuel de l'année dernière ayant déjà impressionné les lecteurs avec des phrases comme « Le marché du carbone mondial a atteint un nouveau record pour la quatrième année consécutive. La valeur marchande totale de cette année est plus de cinq fois supérieure à celle de 2017 », comment pourrions-nous faire comprendre que la valeur totale de 2021 est à nouveau plus de 2,5 fois supérieure au niveau précédent ?
Il s'agit d'une augmentation quasi exponentielle de la valeur du marché mondial du carbone, une tendance dont notre sous-titre sur les attentes politiques et l'augmentation de l'utilisation du charbon ne peut pas exactement rendre compte :
I. Le facteur clé sur la plupart des marchés : une confiance (renouvelée) dans les objectifs climatiques
Bien qu'il soit complexe de remettre en contexte l'étendue de cette croissance, en expliquer sa raison ne l'est, en revanche, pas du tout : dans tous les systèmes d'échange de quotas d'émission (SEQE), les attentes en matière de plafonds plus stricts ont fait augmenter les demandes de permis à l'avenir, ce qui a provoqué une hausse de leur prix.
L'idée de resserrer les plafonds est venue en partie des nombreuses promesses faites par les gouvernements à l'approche du sommet mondial annuel sur le climat qui s'est tenu à Glasgow en novembre 2021 (COP26).
Le SEQE national chinois a commencé à observer des transactions en juillet. L'Europe, la Corée du Sud, la Nouvelle-Zélande et d'autres régions, qui ont déjà utilisé la tarification du carbone pour atteindre leurs objectifs d'atténuation des changements climatiques, sont venues à la conférence avec des objectifs plus ambitieux. Les SEQE deviendront donc probablement plus « stricts » pour les atteindre.
Pour le SEQE de l'UE, cela a résulté en une proposition de la Commission européenne « d'ajustement à l'objectif 55 » cherchant à harmoniser les politiques climatiques de l'Union avec son nouvel objectif de réduction d'au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre, pour repasser en dessous des niveaux de 1990. L'objectif initial était de seulement 40 %.
La manière exacte dont le SEQE sera resserré pour aider à atteindre l'objectif le plus ambitieux est encore en cours d'élaboration, mais le fait que les acteurs du marché du carbone prévoient clairement une augmentation importante du ratio demande-offre pour les quotas d'émission se reflète dans la hausse des prix des quotas que nous avons constatée au cours de l'année 2021.
La situation extraordinaire du complexe énergétique européen en 2021 constitue l'autre facteur important des prix élevés du carbone en Europe (qui, une fois de plus, se taille la part du lion dans la croissance extrême de la valeur totale du marché mondial du carbone).
La flambée des prix du gaz naturel a mené à une hausse de la production d'énergie à partir du charbon (malgré le fait que les principaux pays européens consommateurs de charbon comme l'Allemagne le suppriment progressivement à l'heure actuelle), ce qui a stimulé la demande de quotas et a fait augmenter leurs prix.
Les difficultés avec la Russie, principal fournisseur de gaz européen, n'ont pas aidé, pas plus que l'hiver exceptionnellement froid début 2021 qui a ensuite réduit les niveaux de stockage du gaz.
Ces données essentielles ont représenté à elles seules une partie de l'augmentation du prix des permis.
II. Un marché du carbone plus important en perspective ?
La COP a également permis de progresser sur ce qui avait été un point de désaccord majeur dans les négociations : les parties ont finalement convenu de règles de coopération en matière de réduction des émissions, c'est-à-dire l'attribution de crédits pour les émissions de gaz à effet de serre réduites en dehors de leur propre territoire en vertu de l'article 6 de l'Accord de Paris.
Le potentiel pour un marché international du carbone entre les pays (y compris leur SEQE) est ainsi amélioré, tout comme entre les entités commerciales sur le marché volontaire.
Le trafic aérien sera également touché, car l'Organisation de l'aviation civile internationale exige que les transporteurs aériens compensent la croissance des émissions de gaz à effet de serre dépassant les niveaux de 2020. Ces compensations doivent être certifiées selon les nouvelles règles convenues.
Mais au-delà de tous les accords mondiaux, nous ne sommes pas en passe de nous entendre sur un prix mondial du carbone.
Chaque SEQE est distinct, avec des règles différentes sur les éléments clés, de l'attribution des quotas à l'utilisation des unités de compensation.
Ils abordent différents segments de l'économie. Ainsi, la Western Climate Initiative en Amérique du Nord couvre les émissions provenant de la production d'électricité, de la production industrielle et des transports, tandis que son homologue oriental et le nouveau SEQE actif de la Chine ne couvrent que les émissions des centrales électriques. Les prix des quotas par tonne sont donc moins comparables en raison de ces diverses conditions.
Dans le cas de la Chine, même le « plafond » du programme de plafonnement et d'échange est différent : le point de référence est un niveau d'intensité des émissions (émissions par unité de production) plutôt qu'une limite en termes absolus.
Malgré ces différences, de plus en plus de pays dans le monde semblent envisager la tarification du carbone, si ce n'est la mise en place de marchés du carbone.
Cela est en partie dû au mécanisme européen d'ajustement carbone aux frontières (MACF), un prélèvement sur les émissions de carbone associées aux marchandises fabriquées dans d'autres pays, qui étend essentiellement le prix du carbone du SEQE de l'UE aux marchandises importées.
L'objectif est d'uniformiser les règles du jeu pour les fabricants européens, qui sont autrement désavantagés en matière de prix, car ils ont payé pour les émissions provoquées par la fabrication de leurs produits.
Les biens fabriqués dans des pays ayant des politiques climatiques comparables (comme un SEQE) seront confrontés à des frais moins élevés ou à aucuns frais.
Nous nous attendons donc à ce que davantage de pays et régions étudient le potentiel des SEQE pour atteindre leurs objectifs d'atténuation du changement climatique.
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