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May 07, 2021 | Réglémentation

Ce que la 6e directive contre le blanchiment d'argent de l'UE implique pour votre programme de conformité

Nabil Hassoumi
Risk Proposition Sales Enablement Director, Refinitiv

Comment le champ d'application élargi de la 6e directive contre le blanchiment d'argent de l'UE (6e AMLD) soutiendra-t-il davantage les institutions et autorités financières des États membres dans leur lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme ?

  1. L'UE a élargi le champ d'application de sa directive contre le blanchiment d'argent en réponse à l'évolution du paysage des menaces. 
  2. De nouvelles réglementations viendront pénaliser les complices et facilitateurs engagés dans des activités de blanchiment d'argent. En plus des personnes physiques, les personnes morales sont désormais prises en compte.
  3. Les États membres de l'UE seront à présent tenus de sanctionner certaines infractions, qu'elles soient légales ou non dans leur juridiction.

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Le 3 décembre 2020, la 6e directive européenne contre le blanchiment d'argent (6e AMLD) est entrée en vigueur pour tous les États membres. 

Après la 5e directive, qui a considérablement renforcé les dispositions existantes en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, la 6e directive relative contre le blanchiment d'argent vise à donner aux institutions et autorités financières les moyens de renforcer leur lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme en élargissant le champ d'application de la législation existante, en clarifiant certains détails réglementaires et en renforçant les sanctions pénales dans l'ensemble de l'UE. 

Dans cette optique, quels sont les points clés de la 6e AMLD ?

I. Définition harmonisée et infractions principales

La 6e directive contre le blanchiment d'argent vise à harmoniser la définition des infractions principales dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent par tous les États membres.

Afin de s'adapter à la nature fluctuante du paysage européen des menaces, les infractions principales en matière de blanchiment d'argent incluent désormais la cybercriminalité et la criminalité environnementale.

Élargissement du champ d'application réglementaire

La nouvelle directive désigne les initiateurs, facilitateurs et incitateurs de ces crimes comme des complices. L'« aide et la complicité » ainsi que l'auto-blanchiment sont donc désormais considérés comme des actes criminels.

Avant la 6e AMLD, les réglementations européennes sur le blanchiment d'argent cherchaient à pénaliser ceux qui bénéficiaient financièrement de ces activités. Mais conformément à ces nouvelles règles, les fameux « facilitateurs » seront également considérés comme juridiquement coupables.

Dans le cadre de leurs mesures de lutte contre le blanchiment d'argent, les entreprises doivent désormais s'assurer que leurs programmes de conformité sont conçus afin de détecter et prévenir l'aide et la participation au blanchiment d'argent.

Ces actes criminels sont décrits dans la directive (article 3 (1)) comme suit :

  1. La conversion ou le transfert d'un bien, sachant que ce dernier découle d'une activité criminelle, dans le but de dissimuler ou camoufler l'origine illicite de ce bien ou d'aider toute personne impliquée dans la réalisation de cette activité à échapper aux conséquences juridiques de ses actes.
  2. La dissimulation ou le camouflage de la vraie nature, de la source, de l'emplacement, de la disposition, du mouvement, des droits relatifs à la propriété, ou de la propriété d'un bien, sachant que ce dernier découle d'une activité criminelle.
  3. L'acquisition, la possession ou l'utilisation d'un bien, sachant, au moment de sa réception, que celui-ci découlait d'une activité criminelle.

II. Poursuite des personnes morales

Actuellement, seules les personnes physiques peuvent être sanctionnées pour des activités de blanchiment d'argent. Toutefois, la 6e AMLD étend la responsabilité pénale aux personnes morales, comme les sociétés ou partenariats. Par conséquent, les entreprises peuvent être pénalement responsables des actions de leurs employés se livrant à des activités criminelles.

Lorsqu'il s'avère qu'une personne morale est responsable d'avoir participé d'une manière ou d'une autre à une activité financière frauduleuse, elle peut être sanctionnée et se voir infliger des amendes pénales ou non pénales. Elle est également passible d'autres sanctions, comme définies à l'article 8 :

  1. Exclusion du droit aux prestations ou aux avantages publics.
  2. Exclusion temporaire ou permanente de l'accès aux financements publics, y compris les procédures d'appel d'offres, les subventions et les concessions.
  3. Interdiction temporaire ou permanente d'exercer des activités commerciales.
  4. Placement sous contrôle judiciaire.
  5. Ordre de liquidation judiciaire.
  6. Fermeture temporaire ou permanente des établissements utilisés pour commettre l'infraction.

Des sanctions plus strictes dans les cas de blanchiment d'argent

Le législateur entend responsabiliser les acteurs et les grandes entreprises.

Toute infraction commise dans le cadre d'une activité de blanchiment d'argent sera condamnée d'une peine minimale de quatre ans de prison (contre un an auparavant). Il convient toutefois de rappeler que la plupart des États membres imposent déjà des sanctions plus sévères que celles prévues par la 6e AMLD.

La nouvelle directive prévoit également que les personnes morales peuvent encourir les mêmes sanctions que celles décrites ci-dessus.

Toutefois, les analystes ont noté que la 6e AMLD ne précise pas clairement les critères selon lesquels les directeurs, fiduciaires ou agents chargés du contrôle du blanchiment d'argent (MLRO) pourraient faire l'objet de poursuites pénales en cas de transposition ambiguë de la directive par les États membres.

La signification de « sciemment » dans un contexte d'entreprise pourrait également être sujet à débat. Pour les entreprises de secteurs réglementés qui relèvent de cette législation, la 6e AMLD rejette inévitablement la responsabilité sur la pertinence des systèmes de conformité en place.

 III. Coopération entre les États membres

Le blanchiment d'argent peut supposer une double incrimination, soit le principe selon lequel un crime peut être commis dans une juridiction avant que ses produits financiers ne soient blanchis dans une autre.

La 6e AMLD aborde la question de la double incrimination en introduisant des exigences spécifiques de partage d'informations entre les juridictions, de sorte que lorsque plusieurs États membres sont impliqués, les poursuites peuvent être entreprises dans plusieurs pays. Toutefois, ils doivent se coordonner pour centraliser les procédures judiciaires dans un seul pays.

Ces nouvelles dispositions de la 6e AMLD exigent que tous les États membres de l'UE sanctionnent les infractions graves, comme la participation à un groupe criminel organisé et le racket, le terrorisme, le trafic d'êtres humains et de migrants, l'exploitation sexuelle, le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes et la corruption, qu'elles soient légales dans leur juridiction ou non.

La directive définit une série de facteurs que les autorités doivent prendre en considération pour décider où et comment mener leurs poursuites, y compris le pays d’origine des victimes, la nationalité (ou le lieu de résidence) de l'auteur de l'infraction et la juridiction dans laquelle cette dernière a eu lieu.

IV.  Se conformer à la 6e AMLD

Les entreprises concernées doivent s'efforcer de comprendre la nouvelle portée réglementaire imposée par la 6e AMLD, y compris les nouvelles infractions répertoriées qui doivent être surveillées et le nouvel environnement à risque dans lequel elles surviendront.

Pour respecter leurs obligations réglementaires, les entreprises peuvent avoir besoin de :

  • Mettre à jour leur programme de conformité afin de s'adapter à l'élargissement de leur environnement à risque amélioré.
  • Mettre en place une formation pour les employés afin qu'ils comprennent pleinement les nouvelles implications des réglementations en matière de lutte contre le blanchiment d'argent, notamment en identifiant les activités suspectes à partir de la liste étendue des infractions principales.
  • Revoir les méthodologies existantes d'évaluation des risques dans leurs procédures et processus internes.
  • Revoir toutes les procédures de filtrage automatisées, en particulier celles qui utilisent le machine learning, afin de reprendre l'apprentissage avec de nouvelles règles bien définies, dans le but de répondre à leurs obligations réglementaires.
  • Réévaluer leurs processus actuels de filtrage des médias indésirables pour s'assurer qu'elles identifient les nouvelles pertinentes correspondant pleinement à leurs paramètres d'évaluation des risques.

 

FAQ

Qu'est-ce que la 6e directive anti-blanchiment de l'UE (6AMLD) ?

L'UE a élargi le champ d'application de sa directive anti-blanchiment en réponse à l'évolution du paysage des menaces.

Les nouvelles réglementations pénaliseront les complices et les facilitateurs des activités de blanchiment de capitaux. Outre les personnes physiques, cela inclut désormais les personnes morales. Les États membres de l'UE seront désormais tenus d'ériger en infraction pénale certaines infractions, qu'elles soient légales ou non dans leur juridiction.