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July 19, 2022 | Investment insights

Il est temps de redécouvrir l'importance de l'intérêt

Edward Chancellor
Edward Chancellor
Contributeur Breakingviews

Alors que le monde lutte contre l'inflation, Edward Chancellor analyse les causes et les conséquences du contexte des taux d'intérêt très bas de la dernière décennie, et explique le rôle de l'intérêt dans la stabilité de l'économie mondiale.

  1. L'inflation est de retour, accompagnée d'une obsession généralisée sur l'évolution des taux d'intérêt.
  2. Ce n'est guère surprenant. Par le passé, une politique de rigueur monétaire permettait de contrôler les prix.
  3. Toutefois, la stabilité des prix n'est qu'une des nombreuses fonctions de l'intérêt. Notre négligence à l'égard de ces autres fonctions explique pourquoi les marchés financiers se trouvent dans un état aussi instable aujourd'hui.

(L'auteur est un collabotateur Reuters Breakingviews. Les opinions exprimées sont les siennes.)

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James Grant, fondateur du Grant's Interest Rate Observer, qualifie l'intérêt de « prix universel » parce qu'il joue de nombreux rôles.

Pour commencer, il constitue le taux de capitalisation ou d'actualisation sans lequel l'évaluation est impossible. Comme l'apprend chaque étudiant en commerce, la valeur actuelle d'une entreprise est calculée en escomptant les flux de trésorerie futurs.

« L'anticipation est toujours au rabais », déclarait l'Écossais John Law au début du 18e siècle. L'économiste autrichien Ludwig von Mises a observé que si les humains ne valorisaient pas la consommation dans le présent par rapport à l'avenir, une pomme vaudrait la même chose dans cent ans qu'aujourd'hui : une absurdité évidente.

I. L'impact des taux d'intérêt très bas

Ces dernières années, nous avons été témoins d'une absurdité totale sur les marchés financiers.

Après la crise financière mondiale de 2008, les banques centrales ont réduit les taux d'intérêt à court terme à zéro, et même plus bas en Europe et au Japon. Les taux à long terme ont également diminué.

L'effondrement des taux d'actualisation a justifié une forte inflation des prix des actifs. Les évaluations des entreprises dont les flux de trésorerie se situaient dans un avenir lointain en ont le plus profité. L'argent facile a fait grimper les prix de l'immobilier dans de nombreuses villes du monde entier.

Les taux d'intérêt très bas ont eu d'autres effets de pervers.

L'intérêt incite à épargner, ce que Nassau Senior, économiste anglais du 19e siècle, qualifiait de « récompense pour l'abstinence ». À l'inverse, la longue période de faibles taux a affaibli l'épargne des ménages dans les régions développées.

Rien de tout cela ne semblait important lorsque les marchés financiers étaient orientés à la hausse.

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II. Intérêt et répartition du capital

L'intérêt influence également la répartition du capital.

Si le taux de rendement minimum exigé par les investisseurs est trop élevé, des investissements intéressants seront négligés. Mais s'il est trop faible, les maigres ressources en capital seront dilapidées. Cela enraye le processus de « destruction créatrice » que l'économiste Joseph Schumpeter considérait comme une caractéristique essentielle du capitalisme.

Des coûts d'emprunt très faibles peuvent aider à maintenir en vie des entreprises qui ne sont jamais rentables. Des sociétés dites zombies ont été observées pour la première fois au Japon à la fin des années 1990, au moment où la banque centrale du pays a réduit son taux directeur à zéro.

Lorsque les banques centrales des États-Unis et d'Europe ont suivi le mouvement après 2008, le phénomène s'est généralisé. Une étude de l'OCDE suggère que ces entreprises zombies sont en partie responsables de la faible croissance de la productivité des dix dernières années.

Arthur Hadley, économiste américain du 19e siècle, a déclaré que l'intérêt était le « prix payé pour le contrôle de l'industrie ».

Au cours de la dernière décennie, le financement bon marché a alimenté une grande concentration de l'industrie américaine, une situation analogue à bien des égards aux puissantes « fiducies » créées par Wall Street à l'époque de Hadley. Les entreprises ayant une position dominante sur le marché ont tendance à investir moins, ce qui contribue au ralentissement de la productivité.

Là encore, les taux d'intérêt très bas ont joué un rôle.

III. Le coût « l'effet de levier »

L'intérêt est parfois appelé le « coût de l'effet de levier ».

Les entreprises américaines ont utilisé des crédits à faible coût pour dépenser des milliards de dollars en rachat d'actions. À court terme, cette ingénierie financière a permis d'augmenter les bénéfices par action des entreprises, ainsi que le prix des actions. Mais, elle a rendu le secteur des entreprises plus vulnérable à la hausse des taux d'intérêt.

Les gouvernements du monde entier se sont également servis de l'argent facile. Selon la Banque des règlements internationaux (BRI), la dette des pays développés est passée de 78 pour cent du PIB en 2009 à 115 pour cent au début de cette année.

Les marchés émergents, quant à eux, sont devenus beaucoup plus endettés depuis la crise financière.

La Chine ouvre la voie. Selon la BRI, la dette non financière totale de la République populaire s'élevait à 294 pour cent du PIB à la fin de l'année dernière, contre 154 pour cent au début de 2009.

Au moins, le crédit de la Chine est principalement autofinancé. D'autres économies émergentes ont beaucoup emprunté à l'étranger.

IV. L'intérêt comme régulateur

Cela montre une autre fonction négligée de l'intérêt, à savoir son rôle de régulateur des flux de capitaux internationaux.

L'histoire montre que lorsque les taux d'intérêt au cœur du système financier mondial sont affaiblis, le crédit circule vers les pays en développement, où les taux d'intérêt sont plus élevés. Lorsque les flux de capitaux s'inversent, les emprunteurs fortement endettés se retrouvent en défaut de paiement.

Aujourd'hui, les investisseurs peuvent regretter d'avoir prêté de l'argent à des entreprises et à des gouvernements surendettés.

Ces dix dernières années, cependant, ils n'avaient guère le choix. L'ère des taux d'intérêt très bas a provoqué une quête désespérée du rendement.

Des études récentes suggèrent que lorsque les taux d'intérêt tombent en dessous d'un certain niveau, les investisseurs prennent plus de risques pour maintenir leurs revenus. Au 18e siècle, l'économiste napolitain Ferdinando Galiani qualifiait l'intérêt de « prix de l'anxiété ».

Aujourd'hui, les taux d'intérêt augmentent et les prix des actifs baissent.

Les gens réalisent tout à coup qu'ils sont moins riches qu'ils ne le croyaient. Beaucoup seront forcés d'épargner davantage et même de différer leur départ à la retraite planifié. Les écarts de crédit des entreprises se creusent et les « carry trades » transfrontaliers n'ont plus d'attrait.

Le coût du maintien de la dette publique est en hausse. Plusieurs marchés émergents se sont récemment retrouvés en défaut de paiement. L'anxiété financière progresse. Tous ces problèmes remontent aux taux d'intérêt très bas des dernières années.

V. Le « prix du temps »

Toute activité économique se déroule dans le temps. Un mécanisme est nécessaire pour assurer un équilibre entre épargne et investissement, pour maintenir le prix des actifs en phase avec les fondamentaux, pour rationner le capital et décourager la prise de risque excessive.

Ce mécanisme est l'intérêt. Je l'appelle le « prix du temps ».

Son apparition en Mésopotamie au troisième millénaire av. J.-C. est saluée comme la plus grande innovation financière de tous les temps. Si l'on peut contester le niveau de responsabilité des banquiers centraux dans la mise en place des taux les plus bas depuis cinq millénaires, les conséquences négatives de ces taux très bas sont de plus en plus reconnues.

Pour que le capitalisme prospère à nouveau, nous devons redécouvrir la nature et la nécessité de l'intérêt.

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FAQ

Quelle est l'importance de l'inflation ?

L'inflation est de retour, accompagnée d'une obsession généralisée sur l'évolution des taux d'intérêt.